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Réponse au Rapport Sarr-Savoy: Déclaration sur la numérisation, les droits de propriété intellectuelle et le libre accès du patrimoine culturel africain et des archives connexes

  1. Dr. Mathilde Pavis
  2. Dr. Andrea Wallace

 

RÉSUMÉ

1

Cette réponse remet en cause les recommandations du Rapport Sarr-Savoy concernant la numérisation systématique et la mise à disposition en « libre accès », en ligne, de la totalité du patrimoine africain destiné à être restitué. Nous soulignons la complexité des problématiques liées aux droits de la propriété intellectuelle et aux politiques de libre accès (« open access ») en matière de patrimoine, et nous recommandons au gouvernement français de consacrer davantage de ressources à l'étude et l'établissement de solutions de numérisation en partenariat avec les communautés africaines concernées. Par conséquent, nous déconseillons l’adoption des recommandations générales du Rapport sur les questions de la numérisation et du libre accès pour les raisons suivantes :

  • Premièrement, les recommandations du Rapport soutiennent une position selon laquelle le gouvernement français restituerait le patrimoine africain matériel tout en gardant la mainmise sur la création, la présentation et la conservation du patrimoine africain numérique, et ce, pour les décennies à venir.

  • Deuxièmement, et à l’appui de ce point, la question de l’application des droits de propriété intellectuelle et du libre accès concernant le patrimoine numérique fait l’objet de vifs débats juridiques et sociaux. En France, le libre accès en matière de collections numériques du patrimoine national est quasi-inexistant. Le gouvernement français doit s'abstenir d’entamer une démarche qui exigerait la mise à disposition libre et gratuite du patrimoine numérique de l’Afrique, sans réciprocité envers son propre patrimoine.

  • Troisièmement, la restitution du patrimoine africain dont la France est dépositaire ne doit être sujette à aucune obligation, ou pression, de numérisation ou de libre accès. La décision de procéder à la numérisation de son patrimoine, tout comme la décision de ne pas exercer les droits de propriété intellectuelle aux fins de libre accès, sont des prérogatives culturelles et de conservation. De telles décisions appartiennent aux communautés d’origine dans la mesure où la numérisation et la disponibilité en libre accès des contenus impactent la manière dont le patrimoine culturel est représenté, préservé et commémoré. Ainsi, les communautés d’origine doivent pouvoir jouir d'une entière autonomie en ce qui concerne les stratégies de numérisation et d'accès de leur patrimoine matériel comme numérique.

  • Enfin, tout effort de décolonisation du patrimoine africain matériel détenu par les établissements français doit également prendre en compte le statut et la gestion des archives et autre documentation numériques, y compris pour celles destinées à rester en France. Le patrimoine numérique est aujourd'hui tout aussi important que le patrimoine matériel et doit être partie intégrante de tout projet de restitution et de gestion des collections. La question du patrimoine africain numérique doit être réfléchie en amont de toute restitution, et non après-coup. En poursuivant cette réflexion et dans un souci de réparation, la France doit saisir l'opportunité de soutenir les communautés africaines dans leurs démarches de numérisation et d'accès, d’un point de vue aussi bien pratique, technique que financier.

2

Pour ces raisons, nous exhortons le gouvernement français à entreprendre une réflexion approfondie de ces questions, en collaboration avec les communautés et les institutions concernées, avant et pendant la démarche de restitution. Le gouvernement français est particulièrement bien placé pour entamer une réflexion sur la mise en place de négociations équitables quant à la manière dont le processus de restitution doit se dérouler. Les solutions issues de cette démarche éclaireront d’autres gouvernements ainsi que d’autres institutions nationales, désireux de décoloniser, à leur tour, leurs collections.

RÉPONSE AU RAPPORT SARR-SAVOY 2018

Déclaration sur les droits de propriété intellectuelle et le libre accès concernant la numérisation et la restitution du patrimoine culturel africain et des archives connexes [1]

Traduction française

25 mars 2019

3

Nous écrivons en réponse au Rapport Sarr-Savoy intitulé « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle ». Nous notons le soin, la rigueur et la démarche nuancée de cette étude qui souligne la complexité du processus de restitution ainsi que les efforts de coopération considérables qu’un tel projet requiert de la part de toutes les parties concernées.

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Nous attirons l’attention du gouvernement français sur les problématiques de propriété intellectuelle et de libre accès qui sont en jeu lors la restitution du patrimoine africain. Le Rapport Sarr-Savoy ne traite que très brièvement de ces questions. Le Rapport préconise un plan de numérisation systématique et propose la mise en libre accès de la totalité du patrimoine africain à restituer. Le Rapport souligne la nécessité d’établir un dialogue sur cette question entre les parties impliquées, mais ses auteurs demeurent en faveur d’un « partage radical, dans le cadre du projet de restitution, des objets numérisés, y compris en ce qui concerne la politique des droits à l’image », visant « la gratuité d’accès et d’usage de ces images et documents ». [2]

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Nous déconseillons l’adoption de cette recommandation générale d'accès libre et gratuit aux patrimoine numérique. Nous soutenons que le statut des reproductions numériques des œuvres culturelles (ci-après « substituts numériques »), et de la documentation du patrimoine africain, doit bénéficier de la même nuance de raisonnement dont fait preuve le Rapport à l'égard des objets (matériels) de ce même patrimoine. Notre Réponse s’appuie sur le contexte suivant :

  • Le patrimoine numérique est aujourd’hui tout aussi important que le patrimoine matériel ; il doit être pris en compte avec soin et pleinement intégré à toute démarche de restitution.

  • Le fondement juridique des revendications des droits de propriété intellectuelle sur le patrimoine numérique est vivement contesté, aussi de bien d’un point de vue socio-culturel que juridique, et ce à l'échelle internationale. Au sein même de l’Union Européenne, la réponse apportée par le droit national des États membres sur la question des substituts numériques varie considérablement.

  • La revendication de droits de la propriété intellectuelle sur les substituts numériques a le pouvoir d’affecter l’accès, l’utilisation et la participation du public au patrimoine concerné ; un point particulièrement important pour les communautés d'origine. Le Rapport est imprécis sur ces questions, si bien qu’il est impossible d'établir si les auteurs encouragent les institutions françaises à ne pas exercer leur(s) droit(s) de propriété intellectuelle ou bien s’ils considèrent que de tels droits n’existent pas dans la mesure où le patrimoine numérique ferait partie du domaine public.

  • La décision de numériser son patrimoine culturel ainsi que la gestion des droits de propriété intellectuelle qui en découleraient sont des prérogatives culturelles et de conservation. En tant que telles, ces prérogatives appartiennent aux communautés d’origine.

  • A ce jour, l'accès libre et gratuit au patrimoine numérique français, détenu par les institutions nationales françaises, est quasi inexistant. [3] Il est donc impératif que le gouvernement français s’abstienne d’adopter une position qui viendrait imposer aux communautés d’origine des exigences de numérisation et de libre accès qu’il ne requiert pas de ses propres institutions nationales.

  • Les campagnes de numérisation soutenues actuellement par les gouvernements et établissements occidentaux sont menées à l’aune de principes et de valeurs occidentales, légitimement applicables à leur patrimoine. En revanche, si appliquée au patrimoine culturel africain sans discernement, cette même démarche renferme le risque de maintenir les approches de type « colonialiste » que le Rapport dénonce avec soin.

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L’absence de détails dans les conclusions du Rapport sur la numérisation et les droits de la propriété intellectuelle en limite l’analyse critique. Néanmoins, nous soutenons que les recommandations du Rapport sur ces questions, si adoptées, compromettent considérablement l’objectif principal d'établir une « nouvelle éthique relationnelle » dans l’appropriation et la gestion du patrimoine africain. Ces mêmes objectifs doivent être étendus au patrimoine africain numérique et à toute archive ou documentation connexe. Rendre le patrimoine matériel d'une autre communauté, tout en conservant le droit de numériser, de commercialiser et de contrôler l'accès (y compris en imposant le libre accès) de son patrimoine numérique ne satisfait pas l’objectif de restitution.

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Pour ces raisons, les recommandations du Rapport Sarr-Savoy concernant la numérisation et la gestion des collections numériques doivent être réévaluées. Nous incitons le gouvernement français à le faire avant de procéder à toute restitution. Il est impératif qu’une étude approfondie de ces questions soit faite, en collaboration avec les parties concernées, et ce, avant et pendant la démarche de restitution. Toute tentative de décolonisation du patrimoine africain par les institutions françaises doit envisager la perspective du numérique. La France détient un rôle majeur dans l'élaboration de démarches équitables de négociations visant la restitution du patrimoine africain matériel comme numérique.

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Cette Réponse se divise en quatre parties. La première fait la synthèse des principaux droits et problématiques juridiques associés à la numérisation et au libre accès du patrimoine numérique africain. La seconde analyse les recommandations du Rapport à ce sujet. La troisième partie met en exergue les ambiguïtés et les difficultés de ces recommandations. Enfin, la quatrième partie conclut cette Réponse en soumettant des solutions alternatives, qui ne sont nullement exhaustives.

  1. Synthèse des droits de la propriété intellectuelle en matière de patrimoine numérique (et de libre accès)

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Il convient de souligner en premier lieu que les problématiques juridiques liées à la numérisation méritent leur propre rapport, ce qui n’est point le but poursuivi ici. Cette Réponse n’a pour objectif que de souligner la complexité des problématiques juridiques et sociales principales entourant ces questions. Ces problématiques font suite à la pluralité des normes juridiques internationales et nationales, à l’influence des systèmes de valeur coloniaux sur celles-ci, à la complexité du patrimoine culturel numérique et de sa création, ainsi qu’à la diversité des approches de conservation des patrimoines.

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Premièrement, il est important de rappeler que le niveau minimum de protection garanti par le droit d’auteur est défini par la loi nationale, elle-même harmonisée, s’il y a lieu, par des accords internationaux et régionaux. En effet, tous les pays ne sont pas signataires de ces accords. Ainsi, le contenu des droits de propriété intellectuelle, et des principes tels que le libre accès, reconnu comme fondateur dans certains pays comme la France, varie de juridiction en juridiction. Tout accord de restitution doit tenir compte de ces différences.

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Deuxièmement, ces « droits », en particulier les « droits de la propriété intellectuelle », varient également en fonction de la nature du contenu numérique. Dans un contexte de restitution, deux types de contenu sont à considérer:

  1. Les contenus numériques dits « originaux » - cette catégorie regroupe les contenus n’existant qu’en format numérique ou digital qui documentent des œuvres, des pratiques et des techniques patrimoniales, notamment celles appartenant au patrimoine culturel immatériel. Ce type de contenu comprend, par exemple, la documentation photographique et les enregistrements audio ou audio-visuels de prestations, de rites ou de traditions orales - ainsi que les métadonnées associées à la création et à la manipulation du format numérique. Par souci de clarté, nous nommerons cette catégorie « documentation numérique ».

  2. Les contenus numérisés - cette catégorie rassemble les contenus numériques reproduisant le patrimoine à des fins d’archivage ou de préservation. La qualité de ces reproductions numériques peut varier en fonction de l’objet de la numérisation et des techniques employées ; ces reproductions peuvent prendre la forme de photographies, de scan d’objets, en deux ou trois dimension, et d’archives connexes. Par souci de clarté, l’expression « substituts numériques » fera référence à cette catégorie.

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Ensemble, la documentation numérique et les substituts numériques forment ce que nous appellerons les collections numériques.

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Un débat houleux entoure la question de la protection par la propriété intellectuelle des collections numériques. Au niveau international, il n’existe pas de consensus sur l'éligibilité de ces collections aux droits de propriété intellectuelle, et sur les personnes qui en seraient titulaires, le cas échéant. Cette difficulté ne saurait être enjambée via l’adoption d’une politique générale de « libre accès » du patrimoine africain numérique, qui servirait de raccourci.

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Deux éléments ajoutent à cette difficulté : le fait que les droits de la propriété intellectuelle protègent les œuvres couche par couche ; et, le fait que les professionnels du patrimoine n’adoptent pas de définition objective ou homogène du libre accès lorsque leurs collections numériques sont mises à disposition du public. Chaque institution culturelle conçoit sa propre stratégie d'accès, dite « libre », en fonction de ses besoins et intérêts personnels, ce qui amène inévitablement à des écarts de définitions et d'interprétations du « libre accès » en pratique. [4]

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En ce qui concerne la protection des droits de la propriété intellectuelle en « couche par couche », deux « couches » principales peuvent intervenir en matière de collections numériques. [5] La première couche est celle des droits applicables aux œuvres les plus anciennes, sous-jacentes aux produits de la numérisation que sont la documentation numérique et les substituts numériques. Il est possible que la loi considère que de telles œuvres fassent partie du domaine public, soit parce que le droit d’auteur, qui est soumis à une application limitée dans le temps, a expiré, soit parce celui-ci ne fut jamais applicable. En effet, l’application des droits de propriété intellectuelle et la durée de protection dépendent d’un nombre de facteurs tels que la date de création, l'objet, la date et le lieu de publication ou encore la nationalité de l’auteur.

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La deuxième couche de droits de propriété intellectuelle est celle applicable aux produits de la numérisation eux-mêmes (e.g. photographies, enregistrements audio-visuels), indépendamment du contenu sous-jacent. L'applicabilité des droits sur cette deuxième couche anime la controverse parmi les professionnels du patrimoine et du droit. Un certain nombre de professionnels font valoir que la reproduction numérique, à l’identique, d’objets du patrimoine manque d'originalité ; une condition d’application du droit d’auteur. D'autres soutiennent que si ces droits de propriété intellectuelle existent bel et bien au sein des collections numériques, ils doivent cependant être exercés au moyen de licences favorisant le libre accès, telles que les licences CC0 ou CC BY des « Creative Commons ». [6] Néanmoins, de récentes études démontrent que ces institutions font parfois une mauvaise application de ce type de licences, notamment en matière de droits applicables au contenu sous-jacent. [7]

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Cette incertitude juridique pèse lourdement sur les campagnes de numérisation et les stratégies ayant pour but l'accès à l’information et la diffusion des connaissances, d’où l’importance de ces questions dans le milieu du patrimoine culturel. D'une part, les collections numériques sont coûteuses à la production, à la maintenance et à la mise à disposition du public. La revendication du droit d'auteur sur les contenus numérisés permet aux institutions de financer le coût de la numérisation, [8] ou du moins elle permet d'empêcher les tiers (e.g., les organisations à but lucratif) de parasiter leurs investissements. [9] D’autres facteurs peuvent également inciter une institution culturelle à exercer, ou non, ses droits d'auteur sur ses collections numériques. [10] D'autre part, la revendication du droit d'auteur sur des substituts numériques d'œuvres non-protégées diminue considérablement le domaine public et en privatise le contenu, [11] une conséquence qui revêt une importance toute particulière à l’heure des sociétés d'information.

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Aujourd’hui, ce débat divise les responsables politiques, les professionnels du patrimoine et du droit. Afin de répondre aux attentes grandissantes du public en matière d'accès, certains établissements ont adopté des stratégies de « libre accès » allant de la simple visualisation des leurs collections sur internet au renoncement de tout droit d'auteur, assignant ainsi au domaine public la totalité de leurs substituts numériques en haute résolution. A contrario, un nombre important d’institutions n’autorisent la réutilisation de leurs collections numériques qu’à des fins personnelles ou non-commerciales, une position qui n'est pas conforme à la définition du « libre accès » établie par l’organisation Open Knowledge International, selon laquelle l’utilisation de toute donnée et de tout contenu doit être libre pour quiconque et ce, pour n'importe quel but. [12]

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L’application du droit d'auteur sur les substituts numériques créés au sein de l'Union Européenne (UE) [13] ou en Afrique peut varier considérablement d'un pays à l'autre. En effet, ces droits sont territoriaux et s’appliquent en fonction de l’endroit où a eu lieu la numérisation. Au regard des hypothèses envisagées par le Rapport, nous supposons que la numérisation se fera selon des processus définis par les institutions dépositaires des collections concernées. Cela impliquerait l’application du droit français et celui de l’Union Européenne. Ainsi, les établissements français généreraient et conserveraient une copie numérique des objets rendus, et rendrait celle-ci disponibles en libre accès sur le portail internet, tandis que le patrimoine africain matériel serait restitué au pays ou à la communauté d'origine.

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Les droits moraux doivent également être pris en compte car ils peuvent constituer un obstacle juridique supplémentaire contre la numérisation. Cet obstacle peut se manifester de deux manières: premièrement, lorsqu’ils sont applicables, les droits moraux requièrent que le consentement des auteurs du patrimoine soit obtenu avant de procéder à sa numérisation ; deuxièmement, une fois numérisé, il est possible que de nouveaux droits moraux soient applicables au patrimoine numérique indépendamment des droits attachés au patrimoine matériel sous-jacent. Nous retrouvons ici le système de protection en couche par couche du droit d’auteur. En droit français, ces droits moraux protègent la paternité, l'intégrité et la divulgation de l’œuvre. Le titulaire du droit moral jouit également d’un droit de repentir vis-à-vis de l’œuvre lui permettant son retrait après sa publication. En pratique, cela signifie qu'un auteur ou son héritier peut : s'opposer à la numérisation ou à la distribution d’une collection ; demander qu'une œuvre soit attribuée, anonymisée ou « pseudonymisée » ; ou exiger le retrait d'une œuvre (physique ou numérique) d'une collection.

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Les droits moraux font partie du droit d’auteur et ne peuvent s’appliquer que si l’œuvre est, ou fut, elle-même protégée par celui-ci. Il est important de souligner que la France définit les droits moraux comme étant perpétuels, inaliénables et imprescriptibles. En tant que tels, ces droits survivent aux droits patrimoniaux conférés à l’auteur et continuent de s'appliquer aux collections du patrimoine faisant partie du domaine public. [14] Un certain nombre de pays africains, et notamment de nombreux pays ayant été colonisés ou occupés par la France, ont mis en place des régimes de droits moraux similaires. C'est le cas du Mali, [15] du Tchad, [16] du Cameroun [17] et de Madagascar, [18] pour ne citer que quelques exemples de pays mentionnés dans le Rapport Sarr-Savoy. De plus, la jurisprudence française a déclaré que les droits moraux étaient opposables lors de litiges étrangers soumis au juge français, quelle que soit l'origine de l'œuvre. [19] Les droits moraux peuvent donc avoir un impact important sur la numérisation et le libre accès du patrimoine.

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Enfin, d'autres droits peuvent subsister tels que les droits voisins ou encore les droits sui generis prescrits par la législation nationale ou supranationale. Par exemple, certains pays d’Afrique accordent une protection sui generis des savoirs ou des expressions culturelles traditionnels. [20] Ces droits appartiennent aux pays ou aux communautés d'origine et forment un autre niveau de protection juridique à prendre en compte.

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Par conséquent, toute stratégie de « libre accès » des collections dépend des différents niveaux, ou des différentes couches, de protection évoquées ci-dessus. La partie suivante analyse les recommandations du Rapport sous cet angle.

  1. Analyse du Rapport sur les droits de propriété intellectuelle et le libre accès en matière de patrimoine africain

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Le Rapport Sarr-Savoy expose avec soin l'histoire et la responsabilité de la France vis-à-vis des cultures africaines exploitées, et souligne les difficultés pratiques et administratives que représente la restitution du patrimoine africain matériel. Le Rapport pose ainsi les fondements d’un travail de mémoire et de réparations à l'égard du patrimoine culturel africain, que nous reprenons et appliquons au sujet des collections numériques.

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Nous soutenons que les points soulevés par le Rapport sur ces thèmes sont tout aussi importants en matière de gestion des collections numériques. Le Rapport ne précise pas le sens donné à certains mots-clés de leurs recommandations. Un extrait de la page 58 du Rapport est reproduit et annoté ci-dessous pour en faciliter l’analyse.

b. Partage numérique

[1] Partage radical, dans le cadre du projet de restitution, des objets numérisés, y compris en ce qui concerne [2] la politique des droits à l’image. Un grand nombre de documents photographiques, sonores ou cinématographiques concernant les sociétés africaines autrefois soumises à la tutelle coloniale française ont en effet été l’objet ces dernières années de campagnes de numérisation intensives (par exemple, l’iconothèque du musée du quai Branly-Jacques Chirac). Étant donné la multitude d’institutions françaises concernées et la difficulté qu’il y a, pour un public étranger, à s’orienter parmi ces institutions, [3] nous préconisons l’élaboration d’un portail unique donnant accès à cette précieuse documentation en libre accès. [4] Un plan de numérisation systématique des documents concernant l’Afrique non encore numérisés doit être par ailleurs établi, qui devra concerner aussi, après concertation avec les parties impliquées, les collections de manuscrits (éthiopiens, omariens, etc.) de la Bibliothèque nationale de France. [5] Il va sans dire que l’actuelle politique de droits de reproduction des images doit faire l’objet d’une révision complète en ce qui concerne les demandes émanant des pays d’Afrique pour les œuvres et sociétés africaines photographiées, filmées ou enregistrées. [6] La gratuité d’accès et d’usage de ces images et documents doit être visée.

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Nous interrogeons cette recommandation en nous appuyant sur la démarche même du Rapport.

[1] « Partage radical, dans le cadre du projet de restitution, des objets numérisés »

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Le Rapport ne précise pas les tenants et aboutissants de ce « partage radical » des objets numérisés. Nous supposons ici que le Rapport soutient la mise en place d’un partage radical, et émettons l'hypothèse qu’il fasse référence au mouvement « OpenGLAM » (galeries, bibliothèques, archives et musées) [21] qui défend le maintien des œuvres dans le domaine public afin de protéger la dissémination des connaissances et la réutilisation créative des biens culturels. Cette recommandation est louable pour son attachement aux principes démocratiques soutenant le libre accès et la réutilisation du domaine public. [22]

28

A ce sujet, il convient de rappeler que la propriété intellectuelle est une construction occidentale, elle-même influencée par une démarche historique colonialiste. [23] Il s'ensuit que le domaine public et le « libre accès » sont des composantes de cette pensée coloniale. Il est donc important de résister à l'idée d'exporter et de plaquer, sans discernement, une conception occidentale de la notion de « partage » aux patrimoines non-occidentaux. A cet égard, il nous faut souligner deux choses.

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Premièrement, nous supposons que la numérisation mentionnée dans le Rapport aura lieu en France, avant le retour du patrimoine matériel à leurs pays et communautés d’origine. Par conséquent, et comme indiqué précédemment, les droits applicables aux produits de cette numérisation seraient le droit français et celui de l’Union Européenne. Actuellement, il reviendrait aux communautés dépositaires des œuvres, ici la France, de superviser le processus de numérisation, excluant toute conception africaine alternative sur la manière dont son patrimoine pourrait être représenté puis présenté au public. Cette démarche présente ainsi un risque réel d'imposer, via l’acte de numérisation et de publication en ligne en libre accès, des perspectives occidentales sur la manière dont la propriété intellectuelle est exploitée (ou non) et sur la façon dont l'accès est pensé en rapport au patrimoine de l'Afrique.

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La revendication d’un droit de propriété intellectuelle sur tout patrimoine emporte, pour celui qui s’en prévaut, la possibilité d’empêcher l'accès aux connaissances qu’il renferme. Ce droit peut ainsi contribuer au phénomène de « mémoire empêchée » [24] décrit par le Rapport, en accordant au titulaire présumé de ces droits un contrôle sur l'accès et la réutilisation du patrimoine. Le Rapport note, en particulier, le rôle juridique qu’ont joué les tribunaux au XIXème siècle en légitimant le « droit de ravager et de piller ce qui appartient à l’ennemi » et « le droit de s'approprier ce qui a été pris sur l'ennemi ». [25] De la même manière, la loi et les systèmes de propriété intellectuelle français ont la capacité de légitimer l’appropriation du patrimoine numérique de l’Afrique par les dépositaires de ses biens culturels (ici la France), et ce, alors même que leur patrimoine matériel est, quant à lui, restitué. C’est pourquoi il est impératif que nous veillions à ce que les droits de la propriété intellectuelle, résultant de la numérisation, ne participent pas, à leur tour, à l’annexion historique et à l’appropriation du patrimoine de l’Afrique, que ce Rapport invite à démanteler.

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Deuxièmement, l’attribution de droit de propriété intellectuelle aux substituts numériques peut être considérée inappropriée culturellement ou légalement, concernant certains objets ou documents d’archives. Comme expliqué ci-dessus, la revendication des droits de propriété intellectuelle est une prérogative culturelle et de conservation qui appartient à la communauté d’'origine. Procéder à la restitution du patrimoine africain nous offre l’opportunité de penser certains contenus en dehors du système de propriété intellectuelle (et de numérisation). [26] Ainsi, ce « partage radical » doit être co-écrit avec les communautés d’origine et ne doit comprendre que les œuvres pour lesquelles la numérisation, le libre accès et la réutilisation publique sont jugés appropriés, et uniquement selon un processus approuvé par celles-ci.

[2] « la politique des droits à l’image »

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Le Rapport ne nous éclaire pas sur la nouvelle politique des droits à l’image qu’il propose. Nous soutenons ce que nous comprenons être l’esprit général de cette recommandation tout en soulevant les préoccupations suivantes qui, là encore, s’inscrivent dans les problématiques identifiées dans le Rapport comme étant au cœur de la démarche de restitution. Si la question de la « politique des droits à l'image » est étroitement liée au sujet du « partage radical » traité ci-dessus, il est important de l’analyser séparément pour les raisons suivantes.

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Premièrement, le processus de numérisation peut exposer le patrimoine culturel africain à un second « système d'appropriation et d'aliénation » dont le démantèlement est pourtant au centre de la démarche du Rapport. [27] Le droit d’auteur, en reconnaissant l’existence d’un auteur vis-à-vis d’une œuvre permet une appropriation symbolique de celle-ci et permet de contrôler les connaissances et la personnalité associées avec l’objet matériel. [28] L’aliénation quant à elle, peut survenir du fait du processus de reproduction de deux manières : à la fois symboliquement, lorsque les préoccupations relatives à un traitement sensible de l’objet matériel ne sont pas appliquées dans sa version numérique ; et physiquement, lorsque le substitut numérique est aliéné et accessible en ligne en libre accès, séparément de l’objet matériel qui est lui restitué à la communauté d'origine. C’est pourquoi les préférences culturelles de ces communautés d'origine, qu'il s'agisse de communautés historiques ou géographiques contemporaines, doivent être prises en compte dans la révision de la « politique des droits l'image ».

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Cette réflexion pourrait également s’appliquer aux biens culturels africains (et d’autres communautés) légalement détenus par les institutions françaises non destinés à être rendus, mais qui n’en seront pas moins numérisés. Au sein des institutions patrimoniales qui ont déjà entamé travail de réflexion, des stratégies approfondies ont été élaborée en matière d’autorisations, et ce, en collaboration avec les communautés d’origine dont les objets leur ont été confiés. [29] Comme le note le Rapport, la démarche de restitution est l’occasion d’« inverser le rapport hégémonique » [30] colonial autour du traitement du patrimoine africain (et du patrimoine d'autres communautés), y compris pour celui du patrimoine destiné à rester en France.

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Deuxièmement, cette « politique des droits à l’image » a sa propre historiographie. Comme pour le processus de restitution détaillé par le Rapport, la numérisation et l'exploration des droits à l'image impliquent « bien davantage qu’une seule exploration du passé : il s’agit avant tout de bâtir des ponts vers des relations futures plus équitables ». [31] Nous encourageons le gouvernement à réfléchir à la manière dont les campagnes de numérisation conçues pour ces collections contribueront à l'établissement future relations équitables autour du patrimoine culturel et de son traitement à la lumière du passé de cette politique des droits à l’image.

[3] « nous préconisons l’élaboration d’un portail unique donnant accès à cette précieuse documentation en libre accès »

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Le Rapport ne contient pas de définition ou de détail sur le contexte de cette recommandation nous permettant de saisir le sens de ce « libre accès », de manière précise. Comme expliqué ci-dessus, la notion de « libre accès » a reçu nombre d'interprétations diverses et variées en pratique. A minima, la notion de « libre accès » implique la mise à disposition et la visualisation en ligne du contenu, à titre gratuit, afin de permettre un public non-local d’y accéder. Nous supposons que cette recommandation est motivée par l'une ou l'ensemble des raisons suivantes:

  1. Améliorer l'éducation concernant : l'histoire et les effets néfastes de la colonisation ; les dynamiques de pouvoir qui sous-tendent la formulation des récits et la création des connaissances occidentales, la préservation, la conservation et le traitement du patrimoine culturel africain ; la nécessité d'accorder plus d'attention à la restitution du patrimoine à l'échelle mondiale ; et les objectifs à l’origine cette initiative ; [32]

  2. S'assurer que les pays, les communautés et les institutions africaines fournissent un accès aux collections numériques du patrimoine restitué afin que les personnes ayant accès à ces œuvres, avant leur restitution, puissent continuer à y avoir accès ;

  3. Empêcher les établissements français dépositaires du patrimoine africain de revendiquer et d’exercer des droits de propriété intellectuelle sur les substituts numériques qu'elles possèdent ou pourraient générer, ce qui aurait pour conséquence d'empêcher la restitution du patrimoine numérique.

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Là encore, l’esprit et l’objectif de la création de ce portail s’alignent sur les principes du mouvement international OpenGLAM soutenant « le progrès des connaissances de l’humanité » afin que les utilisateurs puissent non seulement « profiter des richesses des institutions de la mémoire du monde, mais aussi contribuer, participer et partager ». [33] Il faut cependant s’interroger quant à savoir si ce positionnement est compatible avec le droit moral ou juridique des communautés d’origine de pouvoir décider de la numérisation et de la mise en libre accès de leur patrimoine.

38

Dans une section intitulée « La longue durée des pertes », le Rapport critique les structures juridiques ayant permis « la capitalisation économique (par le biais du marché) et symbolique (par le biais des musées) » du patrimoine allant « mains dans la main » avec sa « captation violente » pendant les « guerres du XIXe siècle ». [34] Ramenée à notre époque, les structures juridiques, soutenant une numérisation systématique et obligatoire ainsi que les stratégies de libre accès, comportent le risque de renforcer à la fois la capitalisation économique (via l'exploitation de la propriété intellectuelle) et symbolique (via le portail d'accès ouvert), mariant ainsi les deux pratiques dénoncées par le Rapport.

[4] « Un plan de numérisation systématique des documents concernant l’Afrique non encore numérisés doit être par ailleurs établi »

39

S'agissant de la « numérisation systématique », nous réitérons les préoccupations exprimées précédemment. Nous suggérons l’adoption d’une approche de « numérisation lente », [35] devant recevoir le même soin et la même attention que ceux apportés aux objets physiques, au lieu de numériser le patrimoine africain rapidement afin de le rendre disponible en ligne. Naturellement, cela nécessite une réflexion sur les institutions les mieux placées pour s’acquitter d’une telle tâche, ainsi qu’un examen des valeurs qui sous-tendraient leurs travaux. Sur ce point, les experts nous lancent un avertissement qu’il semble pertinent de soulever ici :

Paradoxalement, l’accent mis sur la numérisation des trésors culturels risque de compromettre l’argument selon lequel la numérisation ouvre et démocratise l’accès au patrimoine culturel. Si les bibliothèques numériques ne font que réitérer et renforcer des récits et des stéréotypes culturels de longue date, plutôt que de permettre l'exploration de collections oubliées ou négligées, alors elles deviendraient des agents d'exclusion culturelle.  [36]

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Nous devons analyser de manière critique les besoins satisfaits par la numérisation systématique et il nous faut étudier, en collaboration avec les parties concernées, la mise en place d’une approche plus nuancée, servant les intérêts des communautés d'origine historiques et géographiques. Le focus du Rapport sur la numérisation systématique et le libre accès obligatoire risque de « renforcer les stéréotypes et canonicités culturels existants » [37] imposés aux objets physiques par la culture dépositaire.

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Les extraits restants ne sont abordés que brièvement dans la mesure où ils s'appuient sur les points précédents.

[5] « Il va sans dire que l’actuelle politique de droits de reproduction des images doit faire l’objet d’une révision complète en ce qui concerne les demandes émanant des pays d’Afrique pour les œuvres et sociétés africaines photographiées, filmées ou enregistrées »

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Nous partageons l’avis et l’objectif général du Rapport en ce qui concerne la nécessité de réviser les « droits de reproduction des images ». Cependant, le sens et la substance de cette déclaration ainsi que la manière dont elle prendrait en compte les préoccupations exprimées ci-dessus restent flous. En particulier, le Rapport ne précise pas si les pays africains concernés par la restitution contribueront à cette révision, ou bien s’ils ne seront que dans la mesure de demander le duplicata des œuvres numérisées par les institutions françaises.

[6] « La gratuité d’accès et d’usage de ces images et documents doit être visée»

43

La dernière déclaration du Rapport sur la question du partage numérique, concernant l'objectif d’accès libre et gratuit « de ces images et documents », n'apparaît pas avoir été co-écrite avec les communautés africaines impliquées, mais énoncée par les auteurs du Rapport. Le Rapport ne décrit pas comment les auteurs aboutissent à cette conclusion pour en faire une recommandation ; une clarification sur ce point serait la bienvenue. La position du Rapport sur cette question est problématique car elle crée un « deux poids, deux mesures » en imposant un accès libre et ouvert aux collections numériques du patrimoine africain, sans que de tels obligations soient pour autant imputées des institutions du patrimoine français. Ce point est développé en détail ci-dessous.

44

Sur la base de cette discussion, la partie suivante résume nos inquiétudes à l'égard des recommandations du Rapport à l’égard de la gestion des collections culturelles numériques.

  1. Synthèse de la critique du Rapport et de ses recommandations

45

Nous faisons valoir dans cette Réponse qu'une réflexion critique sur le rôle de la propriété intellectuelle est nécessaire afin d’aboutir à une réelle « nouvelle éthique relationnelle » dans la démarche de restitution du patrimoine africain. Notre critique porte principalement sur la volonté de numérisation systématique (et de ses conséquences) et sur les droits qui peuvent en découler. Nous la résumons ci-dessous.

46

En premier lieu, les mêmes principes de dignité et de respect, reconnus par le Rapport envers les œuvres et leur restitution, doivent être appliqués à leur numérisation. Le Rapport critique l’Europe des années 1960 pour avoir manqué à son obligation de s'attaquer aux structures coloniales profondément enracinées dans la propriété et la gestion du patrimoine culturel africain. Pour autant cette « réflexion structurée dédiée au rôle que pourraient jouer le patrimoine culturel [numérique] dans l'émancipation des pays d’Afrique anciennement colonisés » fait elle-même défaut dans le Rapport. [38] Il est préoccupant de constater qu’un élément aussi important que celui du patrimoine culturel numérique, soit négligé. Une telle omission risque de nous faire répéter les erreurs commises pendant (et avant) les années 1960 lors de nos efforts de restitution du patrimoine africain, aussi sincères soient-ils.

47

En effet, tout comme il existe « différentes conceptions du patrimoine », [39] il existe différentes conceptions du patrimoine numérique. La question du numérique ne peut pas être traitée après-coup. Tout rééquilibrage du patrimoine culturel mondial doit anticiper ces différences et, plus encore, doit être guidé par les intérêts des communautés d’origine concernées. Ce rééquilibrage doit tenir compte des conceptions alternatives des notions d’objet, d'auteur et de personnalité, de représentation et de présentation, et de la notion d'héritage numérique, afin de se dégager du « seul cadre de la pensée européenne ». [40]

48

En second lieu, la question de savoir si des droits de propriété intellectuelle existent au sein des collections culturelles numériques et à qui appartiennent ces droits, relève du domaine juridique et reste actuellement sans réponse en droit français. Il est peu probable que cette question soit réglée avant le commencement du processus de restitution tel que prévu par le Rapport.

49

En l’absence de directives juridiques claires, le gouvernement français doit, a minima, adopter une position soutenable politiquement. Cette position doit tenir compte du fait que (a) les institutions françaises revendiquent des droits de propriété intellectuelle, dans leur totalité, sur leurs collections numériques, et que (b) très peu d’institutions françaises mettent tout ou partie de leurs collections numériques à disposition en libre accès. [41] Par conséquent, le gouvernement serait avisé de ne pas tenir une ligne dépourvue de réciprocité par rapport au libre accès, selon laquelle les institutions françaises ne se verraient pas tenues à la même rigueur d'accès concernant leur propre patrimoine que celle appliquée aux communautés africaines.

50

Nous comprenons que les recommandations formulées dans le Rapport sur la question des droits applicables aux collections numériques du patrimoine africain visent à promouvoir la libre circulation de l'information et du savoir. Cet objectif est très certainement louable et défendable. Toutefois, et compte tenu des lacunes juridiques qui entourent la question de la numérisation et du libre accès, les recommandations du Rapport risquent de placer le gouvernement français dans une position où il restituerait le patrimoine africain matériel tout en conservant le contrôle de la production, de la présentation et de la gestion du patrimoine africain numérique. Ces recommandations ne sont donc pas soutenables en pratique.

  1. Recommandations alternatives

51

À la lumière des arguments présentés ci-dessus, nous formulons les recommandations alternatives suivantes, celles-ci n’étant en aucun cas exhaustives. Nous abordons en particulier les décisions préliminaires concernant la numérisation et l'accès et soulignons les ajustements du cadre juridique en cause nécessaires afin de faciliter la restitution. Nous rappelons également les autres opportunités que peuvent offrir le libre accès et la création d’un portail internet dans le contexte du retour du patrimoine africain.

Numérisation et patrimoine culturel africain

52

D'abord et avant tout, les décisions en matière de numérisation et de libre accès doivent incomber uniquement aux pays, aux communautés ou aux institutions à qui le patrimoine culturel est restitué. Autrement dit, la restitution ne doit être accompagnée d’aucune obligation garantissant la numérisation ou le libre accès du patrimoine culturel en cause.

53

La numérisation et la gestion des droits sur les collections numériques sont parties prenantes de la conservation du patrimoine culturel dans la mesure où ces décisions impactent la manière dont ce patrimoine est représenté, préservé et remémoré. Ces décisions doivent donc être confiée aux communautés d’origine. Le processus de restitution est l’opportunité pour la France d’accompagner les communautés africaines dans cette démarche, en offrant un soutien technique comme financier, parmi d’autres formes de réparation.

54

De plus, la décision d’adhérer au libre accès n’est ni neutre, ni dérisoire. Cette décision a pour conséquence d’abandonner tout contrôle sur la manière dont le patrimoine est présenté, reproduit et répertorié. Pour les communautés qui cherchent, en premier lieu, à se réapproprier et à redécouvrir leur patrimoine culturel matériel, cette décision délicate ne saurait être précipitée. Cela ne signifie pas que la numérisation ou le libre accès soient nécessairement inappropriés dans le cadre d’un accord de restitution, [42] mais que de telles décisions doivent être prises uniquement par le(s) pays, communauté(s) ou institution(s) à qui le patrimoine culturel est restitué.

Modifications du cadre juridique en cause

55

Deuxièmement, le statut et la gestion des collections numériques représentent un enjeu considérable à l'ère du numérique. Ces collections occupent une place de plus en plus importante au sein des institutions du patrimoine culturel. Cette question est d’importance égale à celle de la propriété des objets physiques ; aussi il est impératif que toutes négociations incluent une consultation sur le sujet de la numérisation et des droits de propriété intellectuelle à conférer, ou non, au patrimoine africain numérique.

56

Une telle consultation doit envisager la modification et le développement des cadres juridiques applicables au projet de restitution matérielle et numérique. Bien que la dernière partie du Rapport, intitulée « Accompagnement les retours », expose le cadre chronologique, juridique, méthodologique et financier de la restitution matérielle, elle ne fait état d’aucun cadre général concernant les questions de numérisation et de gestion de la propriété intellectuelle. [43]

57

Dans un premier temps, le Rapport suggère d’entreprendre un inventaire de toutes les pièces du patrimoine africain conservées au sein les collections françaises. [44] Ici, nous recommandons que tout d'inventaire recense également: (1) l'existence éventuelle de droits de propriété intellectuelle sur le patrimoine matériel, notamment en ce qui concerne la documentation ou les documents d'archives; (2) si la numérisation (même à des fins de préservation) est appropriée et, le cas échéant, à quelles fins; (3) si l'accès au contenu est approprié et, dans l'affirmative, à quelles fins; (4) si des droits de propriété intellectuelle ou d’autres droits sui generis  [45] sur la documentation ou les substituts numériques actuellement détenus, sont (a) reconnus ou (b) susceptibles d'être applicables à d’autres collections numériques lors de processus de numérisation futurs; (5) si ces droits de propriété intellectuelle sont, dans les faits, appropriés pour les collections numériques; et, le cas échéant, (6) qui serait le titulaire adéquate de ces droits (et si la cession de ces droits est envisageable par la suite).

58

En parallèle, les droits de propriété intellectuelle et l’impact des droits reconnus à perpétuité doivent également être pris en compte dans la révision des textes visant à adapter les obligations de propriété publique et l'inaliénabilité qui constituent aujourd’hui l'obstacle principal faisant face aux restitutions. [46] Toute révision doit figurer dans les accords bilatéraux envisagés par le Rapport. [47] Pour ce faire, les droits de propriété intellectuelle et autres droits sui generis devront faire l’objet d’une attention plus rigoureuse que celle dont fait preuve le Rapport sur la question des « droit à l’image » et du libre accès. Il est donc impératif de mener une réflexion approfondie et une consultation plus aboutie sur ces sujets, avant de procéder à la numérisation.

Stratégies de libre accès et des plateformes internet : de nouvelles opportunités

59

Enfin, nous nous tournons vers les opportunités que le libre accès et autres plates-formes internet ont à offrir. Nous nous appuyons sur les recommandations du Rapport concernant le patrimoine matériel, et demandons au gouvernement français d’entreprendre une « réflexion structurée dédiée au rôle que pourraient jouer [le patrimoine numérique] dans l'émancipation des pays d’Afrique anciennement colonisés ». [48] Cette réflexion doit mettre l’accent sur deux domaines : le portail et les stratégies décrites par le Rapport aux pages 73 à 74 (« Appropriation populaire »).

60

Dans le cadre de la création du portail, [49] des modèles existants de collections numériques, d’agrégateurs de données culturelles et de plates-formes internet, conçus par des organisations qui ont mis en place des portails similaires, pourraient être étudiés. Le gouvernement pourrait également envisager d’adopter les systèmes structurant et hébergeant des contenus du patrimoine culturel déjà développés par des organisations telles que Europeana, Wikimedia ou GitHub, afin d'éviter une dépense de recherches inutile. Par exemple, des projets tels que Europeana ont mis au point une infrastructure digital qui permet l’agrégation de contenu, sous forme de métadonnées standardisées, provenant d’institutions et organisations culturelles très différentes. De plus, de nombreuses institutions utilisent maintenant Wikimedia Commons et GitHub afin d’héberger leur contenu et le partager librement avec un public pluriel.

61

Le gouvernement doit envisager, dans toute la mesure du possible, la manière dont il pourrait contribuer aux initiatives de numérisation ayant cours en Afrique. [50] Cela faciliterait la création de solutions communautaires autour de la numérisation, de l'accès et de l'éducation (dans les langues locales notamment). Comme le souligne le Rapport dans la partie intitulée « Appropriation populaire », restituer « c’est également travailler à ce que les communautés concernées ainsi que le grand public puissent s’approprier cette démarche dans l’ensemble de ses aspects ». [51] Le Rapport décrit ensuite la façon dont cet objectif peut être mis en pratique via « la production d’ouvrages, de brochures et de films documentaires » pour ne citer que quelques exemples. [52] Il décrit également le potentiel pour que de nouveaux réseaux de collaboration se créent, en phase avec ce souci de réparation, et mènent à la production de nouvelles œuvres et de biens culturels.

62

Nous supposons que le Rapport ne traite que brièvement du portail et les avantages associés, pour des raisons pratiques. Nous suggérons que les recommandations que nous venons d'exposer soient prises en compte, dans l'hypothèse où l’initiative de restitution serait suivie d’effets.

CONCLUSION

63

L’initiative de restitution, ainsi guidée par le Rapport Sarr-Savoy, aura un impact positif durable sur notre compréhension de l'histoire et de la culture, s'étendant sur plusieurs générations. C’est précisément pour cette raison que cette initiative doit anticiper et intégrer dès à présent les enjeux du numérique. Les communautés d'origine doivent jouir d'une autonomie totale dans la définition d’une stratégie de libre accès concernant leur propre patrimoine culturel numérique. Toute démarche doit être conçue en partenariat avec les communautés d'origine, quand bien même la mise en place d’un accès libre et gratuit fasse consensus. Le gouvernement français est particulièrement bien placé pour entamer une réflexion sur la mise en place de négociations équitables quant à la manière dont le processus de restitution doit se dérouler. Les fruits d’une telle collaboration entre les institutions françaises et les communautés d’origine éclaireront d’autres gouvernements et d’autres institutions dans leurs propres démarches de restitutions, qui n’ont que trop tardées.

Nous, soussignés (108) universitaires et experts en droit de la propriété intellectuelle et du patrimoine culturel matériel et numérique, soutenons et co-signons la « Réponse au Rapport Sarr-Savoy : Déclaration sur la numérisation, les droits de propriété intellectuelle et le libre accès du patrimoine culturel africain et des archives connexes »

rédigé et signé par:

Dr Mathilde Pavis
Senior Lecturer in Law
University of Exeter
Exeter, United Kingdom
m.pavis@exeter.ac.uk

Dr Andrea Wallace
Lecturer in Law
University of Exeter
Exeter, United Kingdom
a.wallace@exeter.ac.uk

co-signé par:

Prof Michael K. Addo
Director of the London Law Program
University of Notre Dame (USA) in England
London, United Kingdom

Prof Adebambo Adewopo
Nigerian Institute of Advanced Legal Studies
Abuja, Nigeria

Yaw Adu-Gyamfi
Researcher, Royal Society of Asante Culture and History (ROSACH)
Director, Centre for Social Innovations (CSI)
Kumasi, Ghana

Ananay Aguilar
Affiliated Researcher
Centre for Intellectual Property and Information Law
University of Cambridge
United Kingdom

Prof Isabella Alexander
Faculty of Law
University of Technology Sydney
Sydney, Australia

Dr David Felipe Alvarez Amezquita
Assistant Professor
University of Tolima
Colombia

Prof N. O. Ama
University of Botswana
Gaborone, Botswana

Adrian Aronsson-Storrier
Lecturer in Law
University of Reading
Reading, United Kingdom

Prof Catherine Barreau
Full Professor of Commercial Law
University of Rennes 1
Rennes, France

Prof Jeremy de Beer
Full Professor, Faculty of Law
University of Ottawa, Canada
Senior Research Associate, IP Unit
University of Cape Town, South Africa
Senior Fellow, Centre for International Governance Innovation, Canada

Dr Lucky Belder
School of Law
Utrecht Centre for Global Challenges
Utrecht University
Utrecht, The Netherlands

Dr Megan Blakely
Lecturer in Law
Lancaster University
Lancaster, United Kingdom

Judith Blijden
Legal Advisor
The Hague and Amsterdam, The Netherlands

Dr Enrico Bonadio
Senior Lecturer in Law
City, University of London
London, United Kingdom

Dr David Booton
Senior Lecturer in Law
University of Manchester
Manchester, United Kingdom

Dr Hayleigh Bosher
Lecturer in Intellectual Property Law
Brunel University London
London, United Kingdom

Prof Maurizio Borghi
Director CIPPM / Jean Monnet Centre
of Excellence for European IP
& Information Rights
Bournemouth University
Poole, United Kingdom

Prof Kathy Bowrey
Faculty of Law
University of New South Wales
Sydney, Australia

Dr Aleksandar Brkic
Lecturer in Arts Management and Cultural Policy
Institute for Creative and Cultural Entrepreneurship
Goldsmiths, University of London
London, United Kingdom

Prof Abbe E. L. Brown
Chair in Intellectual Property Law
University of Aberdeen
Aberdeen, United Kingdom

Dr Shane Burke
Lecturer in Law
Cardiff University
Cardiff, United Kingdom

Dr Xan Chacko
Research Fellow
School of Law, University of Queensland
Brisbane, Australia

Dr Susannah Chapman
Research Fellow
Law School, University of Queensland
Brisbane, Australia

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Plymouth, United Kingdom

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Exeter, United Kingdom

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Michigan, United States

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Leeds, United Kingdom

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Potsdam, Germany

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Milan, Italy

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London, United Kingdom

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London, United Kingdom

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Brisbane, Australia

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Exeter, United Kingdom

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Hebei, China

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Associate Professor of Law
University of New South Wales
Sydney, Australia

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Associate Professor, Department of Art, Art History, and Design
Michigan State University
East Lansing, United States

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Dr Danilo Mandic
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London, United Kingdom

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Lecturer in Law
University of Exeter
Exeter, United Kingdom

Douglas McCarthy
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The Hague, The Netherlands

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Law School
University of Western Australia
Perth, Australia

Dr Luke McDonagh
Senior Lecturer in Law
City, University of London
London, United Kingdom

Bartolomeo Meletti
Creative Director
CREATe, University of Glasgow
Glasgow, United Kingdom

Audrey Mena
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Rosario University
Bogotá, Colombia

Dr des. Sunimal Mendis
Researcher
Centre d'études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI)
University of Strasbourg
Strasbourg, France

Dr Marc Mimler
Senior Lecturer in Law
Bournemouth University
Bournemouth, United Kingdom

Dr Poorna Mysoor
Leverhume Trust Research Fellow
Faculty of Law
University of Oxford
Oxfordshire, United Kingdom

Prof Enyinna Nwauche
Nelson Mandela School of Law
University of Fort Hare
East London, South Africa

Dr Chijioke Okorie
Postdoctoral Research Fellow
DST/NRF Research Chair in IP, Innovation and Development
University of Cape Town, South Africa

Dr Claudy Op den Kamp
Senior Lecturer in Film
Faculty Member Centre for Intellectual Property Policy and Management
Bournemouth University
Bournemouth, United Kingdom

Sarah Powell
Copyright and Open Access Advisor
Auckland University of Technology
Auckland, New Zealand

Dr Stephanie Pratt
Associate Professor of Art History (retired), Plymouth University
Independent Scholar and Cultural Ambassador for the Crow Creek Dakota (Sioux) Tribal Council, 2015-18

Dr Viola Prifti
Postdoctoral Researcher, Intellectual Property Models for Accelerating Sustainability Transitions (IPACST) Project
University of Applied Sciences and Economics
Berlin, Germany

Deirdre Prins-Solani
Past President International Council of African Museums
Past President of South African Museums Association
Culture, Heritage and Education Specialist
Republic of South Africa

Dr Ana Ramalho
Assistant Professor of Intellectual Property Law
Maastricht University
Maastricht, The Netherlands

Dr Eleonora Rosati
Associate Professor in Intellectual Property Law
University of Southampton
Southampton, United Kingdom

Dr Isaac Rutenberg
Senior Lecturer, and Director of the Centre for Intellectual Property and Information Technology Law
Strathmore Law School, Strathmore University
Nairobi, Kenya

Dr Amanda Scardamaglia
Associate Professor, Department Chair
Swinburne Law School
Melbourne, Australia

Saskia Scheltjens
Head of Research Services Department
Rijksmuseum
Amsterdam, The Netherlands

Dr Antje Schmidt
Head of Digital Cataloguing
Museum für Kunst und Gewerbe Hamburg
Hamburg, Germany

Prof Caterina Sganga
Associate Professor of Comparative Private Law
Scuola Superiore Sant’Anna
Pisa, Italy

Prof Brad Sherman
ARC Laureate Fellow
University of Queensland
Brisbane, Australia

Daniela Simone
Lecturer in Law
University College London
London, United Kingdom

Dr Ashton Sinamai
Adjunct Research Fellow
Flinders University
Adelaide, Australia

Dr Will Slauter
Associate Professor, Université Paris Diderot
Junior Member, Institut universitaire de France
Paris, France

Alex Stinson
Senior Program Strategist
Wikimedia Foundation
United States

Dr Victoria Stobo
Lecturer in Recordkeeping
University of Liverpool
Liverpool, United Kingdom

Prof Simon Tanner
Professor of Digital Cultural Heritage
King’s College London
London, United Kingdom

Prof Melissa Terras
Professor of Digital Cultural Heritage
University of Edinburgh, Scotland
Edinburgh, United Kingdom

Dr Stina Teilmann-Lock
Associate Professor
Department of Management Politics and Philosophy
Copenhagen Business School
Copenhagen, Denmark

Nolubabalo Tongo-Cetywayo
Researcher
Robben Island Museum
South Africa

Professor Janet Ulph
Leicester Law School
University of Leicester
United Kingdom

Pratyush Nath Upreti
Researcher
Sciences Po Law School
Paris, France

Dr Andrew Ventimiglia
Assistant Professor of Media Law and Ethics Illinois State University
Research Fellow, School of Law
University of Queensland
Brisbane, Australia

Brigitte Vézina
International Intellectual Property Law Consultant
Brigitte Vézina - Law & Culture
The Hague, The Netherlands

Prof Charlotte Waelde
Chair in Intellectual Property Law
Center for Dance Research
Coventry University
Coventry, United Kingdom

Dr Karen Walsh
Lecturer in Law
University of Exeter
Exeter, United Kingdom

Nan Warner
Open AIR Project Manager
South Africa

Jane Willcock
Senior Registrar
University of Queensland
Anthropology Museum
Brisbane, Australia

Prof Sara Yassine
Hassan II University
Casablanca, Morocco

Anne M. Young
Manager of Rights and Reproductions
Indianapolis Museum of Art at Newfields
Indianapolis, United States

Dr Laura Zoboli
Assistant Professor
University of Warsaw
Poland



[1] Mathilde Pavis et Andrea Wallace, 'Réponse au Rapport Sarr-Savoy 2018: Déclaration sur les droits de propriété intellectuelle et le libre accès concernant la numérisation et la restitution du patrimoine culturel africain et des archives connexes ' (25 mars 2019, traduction francaise) CC BY 4.0 ( https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/ ). Traduit de l’anglais par Dr Mathilde Pavis. La version de référence est la version anglaise.

[2] Rapport Sarr-Savoy, 58. (67-68 dans la version anglaise).

[3] Voir Douglas McCarthy and Andrea Wallace, 'Survey of GLAM open access policy and practice' http://bit.ly/OpenGLAMsurvey .

[4] Voir Andrea Wallace et Ronan Deazley, Display At Your Own Risk: An experimental exhibition of digital cultural heritage (CREATe 2016) http://displayatyourownrisk.org/publications ; see also McCarthy and Wallace (n 3).

[5] Une oeuvre, notamment lorsqu’il s’agit de document d’archives, est souvent reproduite et re-formatée plusieurs fois avant d'être numérisée et mise en ligne. Voir Andrea Wallace, 'Mona Lisa' dans Claudy Op den Kamp and Daniel Hunter (eds), A History of Intellectual Property of 50 Objects (Cambridge University Press 2019).

[6] Creative Commons, 'CC0 “No Rights Reserved”' https://creativecommons.org/share-your-work/public-domain/cc0/ .

[7] Judith Blijden, 'The Accuracy of Rights Statements on Europeana.eu' (Kennisland 2018), https://www.kl.nl/wp-content/uploads/2018/02/ .

[8] Cependant une étude récente démontre que “le niveau de revenus généré par les musées par le biais de l'imagerie et des droits était faible par rapport à la capacité globale du musée à générer des revenus provenant de la vente au détail, de la vente de billets, de l'abonnement et de la collecte de fonds» et note que la plupart des droits et des services de reproduction opèrent à perte pour les musées. Simon Tanner, 'Reproduction charging models & rights policy for digital images in American art museums' (A Mellon Foundation Study 2004) http://msc.mellon.org/msc-files/ ; see also Effie Kapsalis, 'The Impact of Open Access on Galleries, Libraries, Museums, & Archives' (Smithsonian Archives 2016) http://siarchives.si.edu/sites/default/files .

[9] Il convient de souligner que ce choix n’est et ne doit pas être une décision opérationnelle discrétionnaire si le seuil légal d’originalité n’est pas atteint.

[10] Par exemple, les donateurs peuvent inclure des conditions quant à l’accès et la numérisation des contenus dans l’accord de don.

[11] Il convient de souligner que ce choix n’est et ne doit pas être une décision opérationnelle discrétionnaire si le seuil légal d’originalité n’est pas atteint.

[12] Open Knowledge International, 'The Open Definition' https://opendefinition.org/ . En francais: https://opendefinition.org/od/1.1/fr/ .

[13] Ceci est particulièrement pertinent afin d’anticiper les modifications du droit national qui seront éventuellement nécessaires à la suite des réformes sur le droit d’auteur étudiée actuellement par le Parlement européen. Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil sur sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique COM/2016/0593 final - 2016/0280 (COD). Il faut également envisager les aménagements dus à la réglementation de l’Union Européenne issue des directive suivantes: Directive 2012/28/EU du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines; Directive 2013/37/EU du Parlement Européen et du Conseil du 26 Juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public.

[14] Voir Mathilde Pavis, 'ICH and Safeguarding: Uncovering the Cultural Heritage Discourse of Copyright' dans Charlotte Waelde and others (eds), Research Handbook on Contemporary Intangible Cultural Heritage Law and Heritage (Edward Elgar 2018).

[15] Loi n° 08-024 du 23 juillet 2008 fixant le régime de la propriété littéraire et artistique en République du Mali, Articles 12 and 16.

[16] Loi n° 005/PR/2003 du 2 mai 2003 portant Protection du Droit d'Auteur, des Droits Voisins et des Expressions du Folklore, Articles 3, 22, and 23.

[17] Loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000, sur le Droit d’Auteur et les Droits Voisins, Article 14.

[18] Loi n° 94-036 Portant sur la propriété littéraire et artistique du 9 décembre 1994, Articles 20-22, 24.

[19] Cass. 1re civ., 28 May 1991, Huston, n 89-19.725 and n 89-19.522; Bulletin 1991 IN 172, p 113.

[20] Voir Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, Traditional Knowledge, Traditional Cultural Expressions & Genetic Resources Laws Database https://www.wipo.int/tk/en/databases/tklaws/ ; voir aussi Molly Torsen and Jane Anderson, 'Intellectual Property and the Safeguarding of Traditional Cultures: Legal Issues and Practical Options for Museums, Libraries and Archives' (World Intellectual Property Organization 2010) https://www.wipo.int/edocs/pubdocs/en/tk/1023/wipo_pub_1023.pdf .

[21] OpenGLAM, 'Home' http://openglam.org .

[22] Ces principes sont actuellement menacés par la réduction drastique des financements publics affectant le secteur du patrimoine. En dépit de cette réduction des budgets publics, un nombre croissant de galeries, de bibliothèques, d’archives et de musées choisissent de renoncer aux avantages économiques conférés par le droit d’auteur afin de partager, sans restriction, tout ou partie de leurs collections numériques.Voir, McCarthy and Wallace (n 3).

[23] Voir Pavis (n 14).

[24] Rapport Sarr-Savoy, 26. (31 dans la version anglaise).

[25] Rapport Sarr-Savoy, 7. (9 dans la version anglaise).

[26] Par exemple, une communauté peut avoir autorisé l'enregistrement audio ou vidéo d'un rituel secret à des fins de recherche précis, refusant que ces enregistrements soient rendus accessibles au public de manière générale. Ces demandes, émanant de communautés d'origine, doivent être prises en compte, qu'il existe ou non des droits de propriété intellectuelle ou des sui generis droits sur le contenu documenté.

[27] Rapport Sarr-Savoy, 2.

[28] Pavis (n 14).

[29] Par exemple, les initiatives du musée Field à Chicago (Etats-Unis) et du musée Auckland War Memorial Museum (Nouvelle-Zélande), notamment, se sont recentrées sur point de vue des communautés autochtones dans la gestion des collections. Voir Alaka Wali, 'Making Room for Native American Voices' Field Museum Blog (8 November 2018) https://www.fieldmuseum.org/blog/making-room-native-american-voices ; voir également Sarah Powell, Adam Moriarty, Michaela O'Donovan, Dave Sanderson, 'The “Open by Default” Journey of Auckland Museum's Collections Online' SocietyByte (August 2017). https://www.societybyte.swiss/2017/08/21/the-open-by-default-journey-of-auckland-museums-collections-online/ D’autres institutions ont également pris l’initiative de développer un systèmes de permissions dites « culturelles » (cultural permissions) dans leurs méthodes d'étiquetage dans la présentation des oeuvres et de gestion des droits de propriété intellectuelle, tels que RightsStatements.org and Local Contexts. Voir 'RightsStatements.org,' https://rightsstatements.org ; voir aussi 'Local Contexts,' http://localcontexts.org .

[30] Rapport Sarr-Savoy, 32. (38 dans la version anglaise).

[31] Rapport Sarr-Savoy, 2.

[32] Cette hypothèse est également étayée dans le Rapport au sujet du portail internet à la page 73 (86 dans la version anglaise), discutée dans notre réponse ci-après.

[33] OpenGLAM, 'OpenGLAM Principles' https://openglam.org/principles/ .

[34] Rapport Sarr-Savoy, 8. (11 dans la version anglaise).

[35] Voir Andrew Prescott and Lorna Hughes, 'Why Do We Digitize? The Case for Slow Digitization' [2018] Archive Journal http://www.archivejournal.net/essays/why-do-we-digitize-the-case-for-slow-digitization/ .

[36] Ibid. (emphasis added).

[37] Ibid.

[38] Rapport Sarr-Savoy, 14. (18 dans la version anglaise).

[39] Rapport Sarr-Savoy, 25. (29 dans la version anglaise).

[40] Rapport Sarr-Savoy, 28. (33 dans la version anglaise).

[41] Celles connues des auteurs incluent: 1) Alliance Israélite Universelle; (2) Babord-Num (Université de Bordeaux); (3) Bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art; (4) Bibliothèque de Rennes Métropole; (5) Bibliothèque municipale de Lyon; (6) Bibliothèque nationale et universitaire, Strasbourg; (7) Centre national de la danse; (8) Lo CIRDÒC (Occitanica); (9) Musée d'art et d'histoire de Saint-Brieuc; (10) Musée de Bretagne; (11) Musée de Die; (12) Musée des Augustins; (13) Musée Saint-Raymond. McCarthy and Wallace (n 3).

[42] Le Rapport souligne la position d’Achile Mbembe sur la manière dont ces sociétés africaines «ont engendré des systèmes ouverts de mutualisation des connaissances au sein d’écosystèmes participatifs, où le monde est une réserve de potentiels». Cette description éloquente du libre accès souligne l’importance d’impliquer les communautés d’origine au coeur de ces projets. Rapport Sarr-Savoy, 29 (34 dans la version anglaise) (citant Achile Mbembe, Notes sur les objets sauvages, à paraître).

[43] Rapport Sarr-Savoy, 61-74. (71-86 dans la version anglaise).

[44] Rapport Sarr-Savoy, 35-36, 57-58. (41-42, 67 dans la version anglaise).

[45] Voir RightsStatements.org et Local Contexts (n 28).

[46] Rapport Sarr-Savoy, 64-65. (75-76 dans la version anglaise).

[47] Rapport Sarr-Savoy, 66-67. (77-78 dans la version anglaise).

[48] Rapport Sarr-Savoy, 14. (18 dans la version anglaise).

[49] Le Rapport recommande: « L’établissement d’un portail en ligne sur la thématique de la circulation des objets, qui contiendrait des informations générales sur la situation et la répartition du patrimoine culturel issu du continent africain hors d’Afrique, tout en proposant des récits détaillés de la trajectoire de certaines pièces à l’aide de textes et de documents multimédias, serait une piste engageante. » Rapport Sarr-Savoy, 73. (86 dans la version anglaise).

[50] Voir par exemple, Cherry Leonardi, Zoe Cormack et Sarah Bevin, ‘New explorations into South Sudanese museum collections in Europe’ https://southsudanmuseumnetwork.com ; Paul Basu, ‘Reanimating Cultural Heritage’ and ‘SierraLeoneHeritage.Org’ http://www.sierraleoneheritage.org ; and ‘Digital Innovation South Africa’ http://www.disa.ukzn.ac.za/About_Us .

[51] Rapport Sarr-Savoy, 73. (85 dans la version anglaise).

[52] Rapport Sarr-Savoy, 73. (85 dans la version anglaise).

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